Le départ

Dès l’annonce du décès de Yanis, Tranche alla chercher une lettre que son ami lui avait laissé avant de partir et suivant les instructions de celle-ci, il resta au Manoir quelques temps. Le temps de s’assurer que la maîtresse des lieux avait conservé tout son « mordant».

Ceci étant fait, il fit son baluchon, maigre bagage en vérité, et partit à la recherche de ce frère jumeau dont la missive lui avait appris l’existence.

Avant de franchir la grille, Tranche se retourna pour regarder une dernière fois ce Manoir qui avait maintenant une autre vie, une autre histoire.

[Aux portes du Manoir]

Les charrettes et autres carrioles traversaient le domaine, chargées des biens d’une famille altérée ; souvenirs impérissables des années passées au manoir, mobilier dont elle ne pouvait se défaire, caisses et coffres contenant ses trésors… Les affaires des enfants prenant une place non négligeable, la bourse de la brune en était plus légère mais les bras ne manquèrent pas pour l’évacuation.
La femme de blanc vêtue n’avait pu se résoudre à rester dans ces lieux chargés de rappels ; elle avait essayé mais en vain… tout lui renvoyait sa solitude au visage, la murant dans des funestes desseins qui n’avaient pour conséquences que de l’éloigner davantage des communautés ; sans doute le départ du bucheron la fit réagir… sans doute.

Elle quitta la maison, fermant la porte pour la dernière fois et observa la bâtisse, témoin du bonheur passé ; un léger soupire et elle rejoignit l’entrée du domaine d’un pas alerte… les jades se posèrent alors sur l’antre du géant et l’occitane, dans un ultime élan, d’y laisser un billet :

Tranch’,

J’ignore vos projets comme j’ignore si vous reviendrez un jour… dans l’hypothèse, vous êtes ici chez vous, sans doute plus que moi d’ailleurs ; comme vous l’observerez si vous lisez cette missive, rien n’a bougé, tout est en l’état.
Vous comprendrez aisément, pour l’avoir quitté vous-même, que je ne puisse rester dans ce lieu chargé de souvenirs ; ce domaine est propriété de Tourville… il vous revient, à vous ou tout autre de cette famille, quand bien même j’en porte le nom.
Ne vous faites point de soucis quant aux enfants, ils sont ma raison de vivre maintenant et je veillerais à leur bienêtre.

Prenez soin de vous et qu’Aristote vous garde sur le droit chemin.
Adieu,

Le parchemin posé en évidence, elle quitta définitivement la demeure ; un regard sur le domaine tandis qu’elle talonnait l’étalon, sifflant pour signaler le départ…

Yanis réapparu, elle était revenue...

Yanis de nouveau disparu, elle ne tenait plus...

Cette fois pourtant, c'était irréversible... elle ne reviendrait plus dans cette demeure ; trop d'instants de vie pour continuer sans lui...

Les bagages à peine déballés, aussitôt refermés et la brune de quitter définitivement les lieux après un ultime regard :

Adieu...